Le club des 27 ressuscite grâce à l’intelligence artificielle

10 mars 2022
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Dans le milieu culturel et artistique, la mort pourrait-elle n’être qu’une étape réversible ? Un peu à la manière des comic-books où la disparition tragique n’est jamais vraiment définitive et où les scénaristes trouvent toujours une astuce pour ramener à la vie un superhéros ? Sauf qu’ici le scénariste s’appelle l’intelligence artificielle, et elle tient davantage de la prouesse technologique et d’une bonne maîtrise de la gestion des données.

Ces artistes ramenés à la vie par l'intelligence artificielle

Le club des 27 est le nom officieux de ce club composé de chanteurs ou d’artistes décédés à l’âge de 27 ans. C’est notamment le cas de Jimi Hendrix, Jim Morrison, Kurt Cobain ou encore Amy Winehouse. Pour attirer l’attention sur les problèmes de santé mentale chez les artistes, chanteurs et musiciens, l’organisation canadienne Over The Bridge est à l’origine de nouveaux morceaux de musique créés artificiellement de ces artistes disparus. C’est ainsi qu’il est possible d’écouter le nouveau morceau de Nirvana ou d’Amy Winehouse créé grâce à l’intelligence artificielle. À travers la compilation Lost Tapes of The 27 Club, l’association souhaite sensibiliser le public à la dépression, l’isolement et aux problèmes de santé mentale dont peuvent souffrir les musiciens.

Ces nouveaux morceaux ont été élaborés grâce à Magenta, une intelligence artificielle appartenant à Google qui a analysé une trentaine de morceaux de chaque artiste, afin de composer un morceau qui leur ressemble. Un second programme a ensuite écrit les paroles, inspirées là aussi de la discographie des artistes, puis le tout a été interprété par des sosies vocaux et mixé par un ingénieur du son. Ainsi, la chanson Drowned in the Sun mettant en scène Kurt Cobain a été interprétée par le chanteur Eric Hogan membre du groupe « Nevermind The Nirvana Tribute Band ​». Un résultat plutôt convaincant et qui soulève de nombreuses questions.

Une intelligence vraiment artificielle ?

Derrière ce type de projet, la technique est bien connue. Il s’agit de nourrir un programme avec une masse importante de données afin qu’il puisse « apprendre ​» et déterminer des liens et des relations entre celles-ci. Ainsi, en lui faisant écouter de nombreuses chansons d’un artiste, l’IA peut déterminer des motifs récurrents, des notes, des accords et des rythmiques qui constituent la marque de fabrique d’un artiste. C’est la même chose avec les paroles des chansons, et c’est d’ailleurs l’étape la plus difficile. Même avec un réseau neuronal artificiel, la création des textes des chansons a pris beaucoup d’essais selon l’organisation canadienne, ajoutant que l’équipe avait dû ensuite sélectionner des paroles manuellement afin de construire les morceaux de manière cohérente.

Cette question de la création artificielle n’est pas nouvelle :  en 2018, un tableau peint par une intelligence artificielle a été vendu aux enchères à plus de 430 000 dollars à New York. Une vente qui avait tourné à la polémique, car l’algorithme utilisé était disponible en open source.

Aujourd’hui, le sujet de l’intelligence artificielle est en pleine ébullition et les progrès réalisés ces dernières années sont stupéfiants. Machine learning, deep learning, reconnaissance faciale, informatique quantique, réseaux neuronaux… derrière ces termes techniques se cachent les clés de l’intelligence artificielle. Mais pour qu’elle fonctionne, il faut qu’elle soit bien nourrie.

En effet, l’IA fonctionne grâce aux données qu’on accepte de lui donner. S’il n’y a pas de données, il n’y a pas d’intelligence artificielle. Or, il existe des situations où les données sont rares ou peu fiables. C’est, par exemple, le cas quand on fait de l’innovation radicale. Quand on invente un nouveau concept ou un nouveau produit. Alors que l’IA permet d’éliminer ou de réduire l’incertitude liée à la prise de décision en temps normal, lorsqu’on est dans la création de valeur par la nouveauté, il n’y a pas de données passées disponibles sur ce qui est nouveau… et l’IA ne peut plus faire grand-chose. L’autre biais est lié à la qualité et à la diversité des données. La question ne doit pas être s’il faut faire confiance à l’IA ou si elle peut être capable de construire ou de recréer des œuvres nouvelles à partir de données anciennes, mais s’il faut faire confiance aux données qui l’ont nourrie pour qu’elle devienne ce qu’elle est. Un sujet clé pour les professionnels du data management et de l’intelligence artificielle.

Cela fait longtemps que sur internet, il ne faut plus croire ce que l’on voit. Avec la généralisation de l’intelligence artificielle, ces deepfakes, qu’ils soient musicaux ou non, pourront se généraliser. Et ce n’est sans doute pas Tom Cruise, dont une vidéo de lui a été créée artificiellement et vue des millions de fois, qui dira le contraire !